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La piste Bogdan Bogdanovic: analyse d’une hypothèse (très) risquée.

Les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Le législateur exerce moins une autorité qu’un sacerdoce. Il ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois ; qu’elles doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites : qu’il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que sil est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir ; qu’il faut laisser le bien, si on est en doute du mieux ; qu’en corrigeant un abus, il faut encore voir les dangers de la correction même ; qu’il serait absurde de se livrer à des idées absolues de perfection, dans des choses qui ne sont susceptibles que d’une bonté relative ; qu’au lieu de changer les lois, il est presque toujours plus utile de présenter aux citoyens de nouveaux motifs de les aimer ; que l’histoire nous offre à peine la promulgation de deux ou trois bonnes lois dans l’espace de plusieurs siècles ; qu’enfin, il n’appartient de proposer des changements qu’à ceux qui sont assez heureusement nés pour pénétrer d’un coup de génie et par une sorte d’illumination soudaine, toute la constitution d’un État.

Jean Etienne Marie Portalis

Du Portalis en ouverture d’un article sur du basket ? Oui mesdames et messieurs, c’est possible.

Non seulement c’est possible, mais c’est même on ne peut plus approprié dans le contexte on ne peut plus incertain des 76ers.

Pour résumer et adapter la pensée du juriste bordelais, l’idée est que si vous n’êtes pas sûrs de gagner quelque chose en modifiant X ou Y paramètre, peut-être mieux vaut-il ne rien faire du tout.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que si vous touchez à tout, tout le temps et pour n’importe quelle lubie passagère, vous allez simplement réussir à créer un bordel sans nom et à vous retrouver avec une situation pire que celle que vous aviez au départ.

Passons à notre ami le serbe.

Partons du début: qu’est ce joueur ?

A première vue, Bogdan Bogdanovic a tout l’air d’être l’archétype de l’arrière qui sait à peu près se démerder pour se créer son tir, plante ses 15 points tous les soirs avec une efficacité à peu près décente.

Malheureusement, à peine a-t-on commencé à étudier son profil que déjà des questions apparaissent.

Premier point: il s’agit d’un joueur absolument et totalement allergique à la peinture: 0,15 lancer obtenu par tir tenté, 37% de catch and shoot, 38% en pull-ups, soit rien moins que 75% (!!!) de jump-shots !

Inutile d’être un grand expert en stats avancées pour comprendre l’efficacité moyenne (54 TS%) qu’il traîne comme un boulet depuis le début de sa carrière: c’est un joueur qui ne vit pratiquement que par son adresse au tir et sa (relative) capacité à créer de la séparation.

C’est simple: d »un côté la réussite au jump-shot est par nature aléatoire. Si vous ne vivez que par ça, vous allez passer par des up & down assez violents. De l’autre, si vous n’utilisez qu’un seul des deux tirs les plus rentables du basket, vous devenez prévisible et donc encore moins efficace.

Autrement dit, quand les tirs vont tomber, on va hurler. Quand ils vont ressortir, on va pleurer. Et il n’y aura pas de moyen terme.

La conclusion est donc assez évidente: Bogdan Bogdanovic est un scoreur à haute variance.. ce qui pourrait déjà constituer un drapeau orange.

Si vous en doutez encore, libre à vous d’aller regarder match par match, un simple coup d’œil est suffisant pour se rendre compte de la situation.

Alors oui, il a d’énormes couilles, c’est indéniable. Moi-même, c’est un joueur que j’apprécie beaucoup pour ce côté « gunslinger« , mais ce serait naïf de notre part de nous enflammer à cause de ça et d’ignorer du même coups des défauts assez problématiques dans notre contexte.

Question subséquente à ce que je viens de développer: est-ce quelque chose de problématique dans notre contexte ?

La réponse est loin d’être évidente.

L’optimiste vous dirait sans doute qu’après tout, le principal intérêt d’un pull-up threat est de forcer la défense à s’adapter et de convertir quelques précieuses possessions mal engagées en points salvateurs.

Le pessimiste, lui, vous ferait sûrement remarquer que payer pour un profil de ce type, qu’on trouve facilement, c’est faire du très mauvais business.

De mon côté, je me sens obligé de questionner cette capacité à se créer son propre tir.

De quoi parle-t-on précisément: de flashs ou d’un truc vraiment régulier ?

Difficile à dire à première vue, car il y a un angle mort: un tir créé n’est pas nécessairement un tir rentré. Pourtant, quand vous évaluez la simple capacité d’un joueur, les deux sont censés être de même valeur.

Afin de contourner cet obstacle, nous allons nous focaliser uniquement sur les tirs en pull-up, soit l’archétype du tir résultant du seul talent individuel.

Malheureusement, je vous parlais un peu plus haut d’un « high variance scorer ».. et cet aspect du bonhomme revient ici au triple galop.

Voici ce qu’a donné l’expérience sur l’ensemble du voyage du serbe dans la Grande Ligue.

2017-2018
2018-2019
2019-2020

Certes, la progression est aussi constante qu’intéressante, je le concède très volontiers. Nous avons là quelqu’un de véritablement capable de ce type de création.

De plus, soyons honnêtes: le pull-up, a fortiori derrière l’arc, reste l’apanage de l’élite des scoreurs et il est évident que Bogdanovic n’en fait pas partie. Pour un joueur de son pedigree, on peut même dire que c’est plutôt pas mal.

L’ennui.. c’est que la conclusion reste assez inquiétante: peut-on réellement savoir ce que nous aurions avec ce joueur ?

Il est vrai qu’une telle arrivée aurait au moins le mérite de rendre l’attaque moins caricaturale et d’offrir des solutions qui n’existaient pas auparavant. Peut-être même peut-on espérer voir l’intéressé franchir un palier étant donné qu’il n’a jamais connu de coach du calibre de Brett Brown, du moins pas en NBA (no offense envers Zeljko Obradovic).

Reste que vu la variance.. est-ce qu’investir des assets en vue de l’acquérir serait une si bonne idée que ça ?

Difficile d’échapper à l’analyse du type coûts/bénéfices si l’on veut résoudre une telle problématique.

Un premier tour, un second tour (deux ?) dans les 5 premiers choix et Zhaire Smith semble être un prix raisonnable en considérant notre faible position sur le marché.

Est-ce que ça vaut le coup pour une location de trois mois ?

Pour le savoir, il va falloir se poser la question qui fâche: les 76ers sont-ils à un Bogdanovic de s’asseoir sur le trône de l’Est ?

Non, certainement pas.

Ergo, si vous faites ce transfert, c’est que vous espérez garder le joueur afin d’augmenter la densité de talent présente dans l’effectif.

L’ennui, c’est que si vous voulez plus qu’une location de trois mois, vous êtes obligés allonger la monnaie derrière puisque l’intéressé est agent libre à l’issue de cette saison. Or je vous le dis, celui qui voudra s’attacher les services du sniper de Belgrade devra y mettre le prix. Je pense même qu’il peut viser les 100M/4 ans.

Spoilers: l’addition pour Josh Harris serait alors particulièrement salée du point de vue de la luxury tax.

Si on fait les comptes, ça fait quand même très cher payé pour un joueur qui peut vous péter entre les doigts.

NON. Mille fois non.

Conclusion: Avons-nous intérêt à conclure une telle transaction ?

Cher lecteur, je te laisse seul juge, mais je pense que tu conviendras que les sages paroles de Portalis ont ici un écho particulièrement prégnant.

Amis fidèles, au plaisir de lire vos commentaires.

Crédit image: Clutch Points

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