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Conseil de classe: Ou quand l’affreux Jojo est aussi le premier de la classe

Après ce petit tour de table au sein de la rédaction, nous invitons désormais chacun de nos satanés garnements à passer en revue devant notre auguste cénacle.

1er à passer sur le gril: notre seigneur et maître, Joel Embiid.

Joel est un élève très dissipé, chahuteur, chambreur et même bagarreur.. mais malgré tout extrêmement doué et de loin le meilleur de la classe.

L’évaluation étant complexe, nous allons commencer par la partie la plus simple, c’est à dire celle où les fleurs vont pleuvoir comme dans la Domus Aurea.

Vous l’aurez deviné, c’est bien de l’aspect défensif que je veux parler.

Joel Embiid, DPOY 2020 ?

En bon universitaire (et surtout en toute logique me direz-vous) je vais d’abord vous exposer une série d’éléments avant de parvenir à une conclusion sur ce qu’est aujourd’hui notre franchise player.

Joel Embiid culmine actuellement à 2,95 au defensive PIPM, soit la 2e meilleure marque de la ligue à quasi égalité avec un certain pivot espagnol.

S’agissant de la dissuasion et de la protection d’arceau, le camerounais est tout simplement le meilleur de la ligue en la matière.

Trois statistiques mettent cette domination en relief: d’un côté la propension des adversaires à prendre de mauvais tirs (mi-distance/long mi-distance). De l’autre la diminution à la fois du volume et de l’efficacité des tirs tentés par ces derniers dans les deux zones les plus rentables: le cercle et les corners

S’agissant du premier point, les 76ers sont tout bonnement la meilleure équipe pour ce qui est d’obliger l’adversaire à prendre les plus mauvais tirs qui existent, la preuve avec ce graphique made in cleaningtheglass.com.

Comment se fesse ?

La réponse est ici très simple: à cause de l’architecture de la défense des 76ers.

En voici les principes:

  • Drop défensif, Embiid contrôle la raquette
  • Chasse au shooteur: les extérieurs passent au dessus des écrans et font des closeout très agressifs
  • No-middle: aucun adversaire ne doit pouvoir dribbler en paix dans l’axe panier-panier.

La finalité est assez évidente: forcer le porteur de balle à faire un mauvais choix quoi qu’il arrive, à savoir soit s’empaler sur Joel Embiid soit tenter un tir peu rentable (mi-distance ou long mi-distance).

Qu’en est-il justement de ce qu’il se passe quand nos adversaires décident de quand même tenter leur chance face au camerounais ?

La réponse est assez effrayante: leur adresse baisse de 7,3% par rapport à la moyenne.

Dit comme ça, de manière brute, ça ne semble pas énorme.. et pourtant ça l’est. Et même davantage.

Contextualisons un peu la chose. La réussite moyenne au cercle est de 60%, soit 1,2 point par possession.

Si vous déduisez ces 7,3%, vous passez donc à 52,7% de réussite soit.. 1,005 point par possession.

Là encore l’écart semble minime, mais en termes de réussite moyenne (donc potentiellement sur la longueur d’un match), vous passez du tir le plus rentable du jeu à quelque chose d’assez moyennement intéressant, ce qui change complètement la donne.

Pour le dire de manière plus explicite: quand vous jouez les 76ers, vous devez modifier votre manière d’attaquer, faute de quoi vous avez de fortes chances de vous y casser les dents

En plus de cela, si vous regardez à l’échelle de ce que peuvent faire les meilleurs défenseurs, Embiid est au 93e percentile dans le domaine, ce qui vous classe un peu le bonhomme.

Les effets de cet énorme pouvoir de dissuasion vont même encore plus loin.

Petite analogie football américain (attention, quand je fais ça c’est que je vais dire un truc vraiment important).

Quand le secondary parvient à contenir longtemps les extérieurs adverses, c’est autant de temps gagné pour vos pass-rushers en vue de réussir à plaquer le quarterback adverse.

Dans le cas des 76ers, le phénomène est analogue: la dissuasion d’Embiid est telle que les défenseurs extérieurs que sont Thybulle, Richardson et compagnie peuvent se permettre de mettre une pression phénoménale sur les shooteurs adverses sans crainte d’être punis derrière.

La preuve ?

Malheureusement, quand elle évolue sans son leader défensif, l’équipe prend une claque phénoménale.

La stat confirme ici le eye-test: le camerounais démultiplie les effets du schéma et réciproquement.

Bref. Revenons au résultat sur l’adresse dans les corners.

Une fois de plus, c’est tout simplement monstrueux: quand The Process est sur le terrain, la réussite adverse dans les corners baisse de.. 8,8%.

Joel Embiid est donc le meilleur protecteur d’arceau et le joueur le plus dissuasif de toute la ligue, rend notre défense élite quand il est sur le terrain, n’est qu’à quelques encablures d’être le joueur à l’impact défensif le plus élevé..

DPOY ?

DPOY. ALL. FUCKING. DAYS.

Allez, on se fait un petit plaisir avant d’enchaîner sur l’attaque ?

La bise aux fans du Jazz !

Passons maintenant à quelque chose de plus controversé: les performances offensives de notre Dieu.

Joel Embiid, victime de son succès ?

Incontestablement, le 3e choix de la draft 2014 est en retrait par rapport à sa campagne MVP de l’an passé.

De plus de 27 points par match, il est passé à environ 23. Côté impact, son offensive PIPM est passé de 3,35 à 0,79.

Reste que..

Il est vraiment très, très, très difficile de lui jeter la pierre.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que cette année, l’équipe est assez nettement moins forte que l’an passé au niveau de la création offensive.

Le résultat – immédiat – est que la pression sur les épaules de Joel se retrouve démultipliée tant au niveau de la charge (32,4 à l’usage percentage, 99e percentile) que de la difficulté (spacing défaillant, plus de créateur dans le périmètre, pas de pull-up threat..).

Et pourtant, malgré cela, notre seigneur et maître garde une efficacité un pourcentage de balles perdues dans ses standards en carrière (58% et 14%).

Par ailleurs (et contrairement à ce qui est régulièrement évoqué), il ne prend pas plus de tirs longue distance que d’habitude: 22% de ses tirs contre 21,5% en moyenne en carrière.

Cerise sur le gâteau: il continue de passer sa vie sur la ligne de réparation avec un ratio de 0,568 lancé par tir tenté.

Malheureusement, le tir longue distance reste un point faible.

En effet, l’embellie de début de saison n’aura été que de courte durée et il est vite revenu à un pourcentage dans ses moyennes en carrière (31,3%). Le volume est faible (24/76), certes mais l’hypothèse selon laquelle la valeur serait faussée par les tirs pris en fin de possession et le volume de mauvais tirs «  » »obligatoire » » fait long feu.

Est-ce digne d’un candidat MVP ?

Dans l’absolu non, mais dans notre contexte c’est quand même vraiment pas mal.

Tout le paradoxe est donc là: Joel est moins dominant, mais il reste sur des standards tout à fait corrects pour une superstar.

Comment se fait-il qu’il soit aussi peu impactant ?

La question mériterait un article entier et à dire vrai je n’ai à l’heure actuelle que des théories et rien d’irréfutable.

Plusieurs hypothèses peuvent être avancées.

D’un côté on peut noter que ses lacunes à la passe sont plus exposées maintenant qu’il a encore moins de spacing pour l’aider. Ceci couplé au manque de mouvement sans ballon.. c’est sûr que ça complique les choses.

On peut aussi relever le fait que le manque d’entry passers se fait fortement ressentir cette année, ce qui fait qu’il a beaucoup plus la balle arrêté plutôt qu’en mouvement.

Il est aussi possible de mettre en avant l’absence de créateur d’élite, ce qui le prive d’un certain nombre de points faciles.

Ma préférence va surtout à celle qui s’alarme du nombre anormalement élevé de jump-shots tentés par le camerounais.

Je ne suis pas le plus grand hater du tir à mi-distance qui soit, mais quand même.47%, c’est beaucoup, beaucoup trop.

Je n’ai aucun problème à le voir prendre les fameux tirs en face-up qu’il affectionne tant. La preuve en est qu’il est plutôt adroit dessus.

Néanmoins, il y a encore beaucoup trop de tirs forcés résultant de possessions globalement mal gérées par l’équipe.

Est-ce qu’il en porte le blâme ?

Oui, indiscutablement.

Est-ce qu’il ne s’agirait pas avant tout d’une problématique d’équipe ?

Oui, indubitablement.

Comme beaucoup de superstars, Embiid génère le syndrome « hospital ball » chez ses coéquipiers, à savoir que quand l’horloge tourne et que personne n’arrive à rien, il reçoit la balle avec un timing réduit et une pression défensive trop forte pour pouvoir se créer tir décent.

Une fois de plus, l’absence de créateur d’élite et de pull-up threat pèse très lourd sur les épaules de notre franchise player.

Espérons que le front office profitera de la trade deadline pour lui offrir un coup de pouce salutaire.

A titre de conclusion, je dirai ceci: le MVP, c’est pour les faibles. Objectif DPOY pour Joel The Process !

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