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Bilan Draft 2019: Le naufrage d’Elton Brand

Les anciens joueurs font très rarement de bons coachs. Encore moins de bons dirigeants. Malheureusement, nous avons eu la preuve hier soir que notre GM n’échappe pas à cette règle.

Avant tout développement, il faut bien comprendre que ce type d’incompétence ne date pas d’hier, loin de là. En effet, les 76ers sont depuis plusieurs années une des franchises les plus mal gérées de la ligue, fait qui n’est masqué que par l’immense trésor de guerre amassé par Sam Hinkie et le talent de Joel Embiid et sa bande.

Alors que la draft 2019 comportait des enjeux cruciaux pour les 76ers, Elton Brand et son équipe ont gâché une opportunité unique de faire de Philadelphie l’un des (le ?) favoris pour le titre de champion NBA 2020.

Pour comprendre les raisons d’un échec aussi cuisant, il faut revenir quelques années en arrière et voir qu’en réalité, faire n’importe quoi durant la grand-messe annuelle est devenu une tradition.

Les 76ers et la draft: une litanie d’échecs

Nous sommes en 2016. Les 76ers ont enfin récupéré le premier choix de la draft. Cette année là, aucun suspense: Ben Simmons écrase la cuvée et est le numéro 1 indiscutable.

Le soir venu, pas de mystère, c’est bien la star des Tigers qui monte sur l’estrade en premier.

La draft ne s’arrête toutefois pas là pour Philadelphie, qui disposent grâce à Saint Hinkie des choix 24 et 26.

Le hic, c’est qu’Adam Silver a décidé de fourrer son nez dans les affaires de la franchise, ce qui a eu pour conséquence de porter Bryan Colangelo au pouvoir.

L’ami Bryan, visionnaire, va choisir Timothée Luwawu et Furkan Korkmaz, aujourd’hui candidats MVP… du Shaqtin.

Qui restait-il derrière ?

Malcolm Brogdon, Pascal Siakam, Dejounte Murray, Ivica Zubac et Patrick McCaw.

Naturellement, il est facile de faire des jugements a posteriori et aucun GM ne fait aucune erreur, pas même Hinkie.

Cependant.. quand on se replonge dans les scouting reports des intéressés.. que dire si ce n’est que c’était ultra prévisible ? Korkmaz et Luwawu sont devenus exactement les joueurs que l’on attendait: un mec qui ne sait que tirer et un gars qui… bref.

Cette année là, personne n’attend rien des 76ers, ce qui faisait que nous pouvions toujours devenir un prétendant au titre malgré ces deux picks gaspillés.

Avançons d’un an.

Nous sommes le soir de la draft 2017. Markelle Fultz a éclaboussé la NCAA de son talent et s’affirme comme l’indiscutable premier choix de la draft.

Colangelo rêve de pouvoir associer le magicien des Huskies à Ben Simmons, le gamin étant alors un shooteur d’élite.

A ce moment là, on se dit pourquoi pas. La perspective semble particulièrement alléchante, et pour une fois, Colangelo fait un move sensé: Boston descend en 3e position et offre Fultz aux 76ers en échange du choix précité et d’un des deux plus gros assets hérités du Process: le choix des Lakers 2018 et celui des Kings 2019.

Rétrospectivement, difficile d’affirmer que qui que ce soit ait gagné ce deal puisque stricto sensu, 3 + 14, ça ne vaut pas 1, surtout quand le 1 en question est projeté comme un prospect générationnel. Cependant, vu que Fultz est à deux doigts de sortir de la ligue et que Tatum est largement supérieur, on peut davantage parler de deal moyen/médiocre d’un côté et d’une très bonne pioche de Danny Ainge de l’autre.

Comme l’année d’avant, la draft ne s’arrête pas là pour Philadelphie.. et c’est ici que commencent les (grosses) conneries.

Ce bon Bryan, génie incompris, fait le forcing auprès d’Orlando pour récupérer le choix numéro 25 et parvient à ses fins.. moyennant les deux choix des 76ers de 2020.

Allez, c’est cher mais pourquoi pas, il y avait encore des prospects somme toute très intéressants.

Et là, survint la vision. L’éclair.

Anzejs Pasecnicks.

Anzejs. Pasecnicks. Un prospect que la plupart des analystes draft voyaient milieu/fin de second tour, qui n’était clairement pas pro-ready et qui fleurait bon le bide intersidéral.

Evidemment, ça n’a pas coupé, ce bon Anzejs n’ayant toujours pas mis un seul orteil sur un parquet NBA, alors que Kyle Kuzma, Josh Hart, Derrick White, Semi Ojeleye, Jordan Bell, Dillion Brooks, Thomas Bryant et Monte Morris sont aujourd’hui des joueurs NBA établis.

Loin de moi l’idée de prétendre qu’il était évident que tous deviendraient des joueurs solides.. mais j’ai tout de même cité 8 joueurs, dont la plupart faisaient totalement sens avec la construction de l’effectif.

Ce n’est pas tout: lors du second tour, malgré une bonne sélection (Jonah Bolden), ce bon Colangelo, aka l’idiot du village, se permet de donner les numéros 39 et 46 contre une photocopieuse et une livraison de coke. C’est sûr que quand on construit un effectif, ça ne sert à rien de drafter plein de fois au second tour voyons…

En dépit de cette énième raté en 2e partie de draft, le projet décolle. Porté par ses deux énormes stars, Philadelphie remporte 52 matchs l’année suivante et malgré un raté en demie-finale de conférence, l’avenir semble brillant, surtout avec ce choix n°10 hérité des Lakers.

Cerise sur le gâteau: suite au fameux « Colgate », le fils de l’ancien sélectionneur de Team USA est évincé et les rênes de l’équipe confiées à un triumvirat composé de Ned Cohen, Brett Brown et Marc Eversley.

Pour une fois, Philadelphie va aller à la draft avec un exécutif de qualité. Si je ne suis pas le fan le plus ardent du deal envoyant Mikal Bridges dans l’Arizona (très loin de là même), au moins y a-t-il de solides raisons de considérer que c’est un bon move, d’autant que par la suite, il nous a permis de récupérer Tobias Harris.

En plus de cela, nous devons à ces trois hommes la sélection de l’excellent Landry Shamet, le numéro 34 de cette année, deux second tour des Pistons et une potentielle bonne pioche en 54 avec Shake Milton.

Malheureusement, prolonger l’expérience avec cette direction n’était pas possible à cause de la présence de Brett Brown au poste de head coach.

Josh Harris, propriétaire ultra nocif s’il en est, va alors réussir à prendre une décision encore plus mauvaise que le pire scénario imaginé par le plus névrosé des fans: il va associer son entraîneur principal au processus de recrutement du nouveau GM, plaçant de facto ce dernier en situation d’infériorité dans l’organigramme par rapport à Brown.

Si encore le GM choisi avait été quelqu’un de très expérimenté comme Gerson Rosas (désormais en poste à Minneapolis), la pilule aurait pu passer.

L’ennui, c’est qu’Harris désirait un pion; un fusible. Pas un General Manager. D’où la nomination d’Elton Brand.

Après bien des péripéties, nous voici enfin arrivés à au grand cirque de la dernière draft.

La draft 2019: le glas des espoirs de titre des 76ers ?

La draft est un exercice périlleux et incertain. Quand la cuvée est forte, les mauvais GMs peuvent s’en tirer grâce à la part de chance inhérente au processus. Quand elle est faible en revanche.. disons que cela peut devenir carrément drôle.

Avant d’analyser les différents échanges, remettons d’abord les choses dans leur contexte: cette année, la configuration était idéale: avec 5 picks dont 4 situés environ dans le top 40 et un nombre de second tour élevé sur les drafts à venir, le front office pennsylvanien disposait d’une marge de manoeuvre très intéressante dans l’optique de monter un ou plusieurs trade-up.

Cerise sur le gâteau, le soir venu, les autres GMs sont même venus en aide à Elton Brand en se tapant la honte les uns après les autres, Danny Ainge y compris ! Nous assistions ainsi à un nombre de gags ahurissant: Rui Hachimura en 9 (!!!), Cam Johnson en 11 (!!!!!!), Romeo Langford en 14, Luka Samanic en 19, bref, un show assez dingue, qui permettait à Brandon Clarke, un des 5 meilleurs prospects de la cuvée, de chuter jusqu’à la 21e position !

Mieux encore, suite au trade avec les Celtics, nous avions carrément un choix de roi avec non seulement Clarke, mais aussi Grant Williams, Matisse Thybulle, Nic Claxton et Carsen Edwards encore sur les boards !

Toutes les conditions étaient donc réunies pour que notre draft soit un braquage en règle. Vu le déroulement de la soirée, je n’aurais rien vu à redire si le front office avait décidé d’utiliser les derniers assets du Process pour collecter le maximum de picks dans ce fameux range 20-25.

Le problème, c’est que non seulement nous avons drafté un gars cent fois moins fort que le meilleur disponible mais que, pire encore, tous les GMs de la ligue étaient visiblement au courant qu’Elton Brand avait fait une promesse à Matisse Thybulle, sur qui nous reviendrons plus bas.

Danny Ainge, dont les besoins étaient cette année assez similaires aux nôtres, flaira l’odeur du pigeon et choisit l’ex Husky en laissant son homologue se jeter sur son téléphone (fait confirmé par.. Brand lui même).

A la seconde où le tweet de Shams Charania sortait, tous les fans des 76ers avaient compris que « Danny trader » venait de nous voler Carsen Edwards.

Mais enfin.. nous avions récupéré le second tour des Knicks de cette année non ?

En effet. Mais il y a un léger problème: feu Bryan Colangelo avait laissé un dernier cadavre dans le placard: ce choix numéro 31 avait été abandonné quelques mois plus tôt pour.. exfiltrer Jahlil Okafor et avoir deux mois de Trevor Booker. Gênant.

Le pire dans tout ça, c’est que le soir venu, les Nets avaient mis ce choix sur le trade block.. et que Brand n’a même pas fait l’effort de rattraper son erreur.

De deux choses l’une donc: soit il se fichait complètement de Carsen Edwards, soit il espérait naïvement que les Celtics le laissent passer. Dans les deux cas, on repousse les limites de la bêtise et de l’amateurisme.

En outre, sans ces deux moves imbéciles, nous aurions pu par exemple faire un semis au poste de pivot en sélectionnant Nic Claxton. Pas du luxe quand on sait combien nous avons manqué d’un remplaçant décent à Joel Embiid.

Vous en voulez encore ?

Dans ses déclarations d’après draft, l’ancien joueur d’Atlanta ne ne nie même pas et explique que son but était de drafter Thybulle et ce quel qu’en soit le prix.

Vous entendez ce bruit ? Cela ressemble à s’y méprendre au roucoulement d’un pigeon. Un gros pigeon même.

Or quitte à être un pigeon, autant l’être jusqu’au bout.

Tu t’en doutes bien, cher lecteur, la débandade ne s’est pas arrêtée là, loin de là.

Le pick 34 ? Echangé à Atlanta contre deux second tour dont nous n’aurons peut-être jamais l’utilité. Le 42 ? Donné aux Wizards contre une virée à Vegas pour Josh Harris. Le 54 ? Utilisé sur un joueur très largement moins fort que le meilleur disponible dans ce profil qu’était Kyle Guy.

Malheureusement, la conclusion à tirer de tout cela est que non seulement Elton Brand est un pigeon et un amateur, mais que de surcroît il se permet de mépriser le second tour de la draft au motif suivant:

« Je n’ai pas vu d’équipes qui jouent pour le titre avec beaucoup de jeunes. On a déjà pas mal de joueurs à développer. »

Oui oui, vous avez bien lu. Alors que Toronto vient de remporter un titre avec toute une cohorte de joueurs de moins de 3 ans d’expérience en NBA, lui reste sur ce poncif qui consiste à dire qu’un jeune joueur ne peut en aucun cas aider un contender.

Reste que cette montagne d’incompétence et d’amateurisme a un sommet: avec les picks 34 et 42, il y avait toute une litanie de noms très intéressants: Ignas Brazdeikis, Talen Horton-Tucker, Terance Mann, Kyle Guy, Zach Norvell, Luguentz Dort et j’en passe.

Allez, je vous ai gardé la meilleure pour la fin:

« Je peux utiliser quelques uns de ces picks à la Trade Deadline pour obtenir une sorte de James Ennis. Comme je l’ai dit hier soir, on peut ajouter 5 jeunes joueurs maximum à une équipe qui a des aspirations de titre. »

Inutile de s’étendre là-dessus: la déclaration se passe de commentaire.

En dépit de ces échanges désespérants, nous avons quand même choisi quelqu’un de solide.

Terminons cette analyse avec une réflexion autour de ce fameux choix numéro 20.

Que penser de Matisse Thybulle ?

Premièrement, je dois dire que cette situation n’est vraiment pas juste pour l’ancien de U-Dub: il est drafté suite à un échange immonde, devant un joueur beaucoup plus fort que lui, dans un contexte où les fans de la franchise commencent à être exaspérés par des années d’incompétence.

Sur le joueur en lui-même, je ne déteste pas, loin s’en faut. Thybulle est déjà un très bon défenseur, semble être un bon gamin et pourra peut-être qui sait nous apporter un bout de spacing.

Pourtant, malheureusement, ce pick n’a absolument aucun sens pour les 76ers.

Le grand enseignement des derniers playoffs, c’est que tous les joueurs considérés comme moyennement fiables à longue distance sont systématiquement ignorés lorsqu’ils sont en situation de spot-up, les défenses préférant protéger le cercle au maximum. Rim is king comme on dit.

Or Thybulle, dans le meilleur des cas, devrait tourner à environ 30-33% à 3 points, ce qui n’est absolument pas suffisant.

En outre, et c’est un fait qui a semblé oublié: l’ancien Husky ne mesure que 3 petits centimètres de plus que Zhaire Smith.. qui a exactement le même profil. Si encore il avait fait 10cm de plus, l’idée aurait pu faire sens, mais l’on peut difficilement conclure autre chose à ce sujet que soit le front office ne croit plus en Zhaire Smith, soit ils s’imaginent que notre recrue pourra jouer plus haut que sa taille.. ce qui n’arrive que très exceptionnellement chez les rookies.

Subséquemment, l’on se pose donc cette question: est-ce que son apport défensif est suffisamment intéressant pour compenser son faible apport de l’autre côté ainsi que la présence de Smith ?

La réponse est évidemment non.

Est-ce qu’au moins il pourra défendre sur les plus gros ailiers de la ligue ?

Là encore c’est un non, après tout personne ne le peut. Cela dit, le problème n’est ici pas tant l’écart de niveau que le fait que le gamin soit vraiment sous-dimensionné pour ne serait-ce que ralentir ce type de monstre…

En outre, et c’est bien là ce qui est terrible, c’est qu’au numéro 20, Brandon Clarke était encore disponible.

Soyons clairs: à apport offensif égal, laisser passer un défenseur qui peut devenir générationnel pour un défenseur juste bon, c’est criminel, surtout avec un pick aussi bas.

Pour ceux qui ne connaissent pas la star du campus de Spokane, je vous recommande chaudement la lecture de cet excellent article de Cole Zwicker, qui ne manquera pas de vous faire pâlir de dégoût en pensant à l’opportunité hors normes qu’Elton Brand a manqué.

Mettons-nous à la place du front office. Visiblement, le front office voulait pouvoir construire une lockdown lineup.

Arrêtons-nous deux minutes dans ce cas. Vous imaginez une escouade composée de Ben Simmons, Zhaire Smith, Jimmy Butler, Brandon Clarke et Joel Embiid ? Pour donner une idée à ceux qui ne suivent que de loin, on est sur un calibre All-Defensive player à chaque poste et potentiel DPOY sur trois d’entre eux. Avec Thybulle, ce sera encore très solide, mais nettement moins.

En guise de conclusion, je vous offre ces petits extraits signés Jonathan Givony et Derek Bodner, qui ne manqueront pas de vous faire sortir le #FireElton Brand.

Amis lecteurs, au plaisir de lire vos commentaires.

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