Cette saison, les Philadelphia 76ers constituent l’une des équipes les plus agréables à regarder, notamment à travers un collectif qui essaye constamment de faire circuler la balle de manière rapide. Grâce à l’exécution de systèmes offensifs variés, reposant généralement sur un mouvement quasi-constant du ballon et sur l’implication des cinq joueurs présents sur le parquet, couplée à l’intelligence de jeu d’éléments tels que Ben Simmons ou Dario Saric, l’escouade de Brett Brown constitue cette saison une des équipes où la balle circule le mieux.
En effet, Philadelphie est de loin l’équipe qui effectue le plus de passes par rencontre (353.5) et est classée 3ème en terme de passes décisives réalisées par match, avec 25.1 passes pour 100 possessions. De plus, 64.8% des tirs réussis résultent d’une passe, soit le deuxième taux le plus élevé cette saison, derrière les Warriors.
Seulement, ces derniers matchs, les observateurs de la franchise pennsylvanienne n’auront pas manqué de remarquer les progrès à la passe d’un certain Joel Embiid. Depuis la rencontre face aux Celtics le 19 janvier, autrement dit depuis sa sélection au All-Star Game, le camerounais semble plus enclin à se muer en créateur et à chercher le coéquipier le plus à même de concrétiser la possession. S’appuyant sur une vison de jeu décente, Embiid est parvenu sur les derniers jours à accroître la qualité de ses transmissions, afin de rendre les offensives plus fluides, permettant ainsi d’offrir d’intéressantes opportunités à ses coéquipiers.
La qualité offensive de Joel Embiid n’est plus à prouver, toutes les franchises de la Grande Ligue savent que s’ils souhaitent s’offrir plus de chances de remporter une rencontre face aux 76ers, elles se doivent de réduire l’impact offensif du sophomore. Souvent, lorsque Embiid reçoit la balle au poste, un second défenseur se situe à proche distance de lui, afin de venir effectuer au plus vite une prise à deux avec son coéquipier déjà chargé de défendre sur lui, au cas où il serait tenté de se frayer un chemin vers le cercle.
Face aux Bulls, cet aspect constituait l’une des principales problématiques offensive pour Joel Embiid, à savoir trouver un moyen d’éviter toute perte de balle en cas de prise à deux au poste. La réponse se situait au niveau de sa capacité à transmettre intelligemment la balle à ses coéquipiers. Et, durant cette rencontre, il s’en est très bien sorti.
Parmi la variété des systèmes offensifs utilisés par Brett Brown, on retrouve un système nommé « Iverson Screen The Screener ». Ceux rodés aux joutes de la Grande Ligue auront probablement fait le rapprochement avec Allen Iverson, en effet, Larry Brown, ancien coach des 76ers, utilisait très souvent ce système qui permettait à Iverson, qui se déplaçait d’une aile à l’autre, de se libérer de son défenseur direct à l’aide d’écrans.
Ici, le système est utilisé d’une autre façon. Il a pour but de libérer Joel Embiid, seulement c’est Timothé Luwawu-Cabarrot qui se déplace jusqu’à l’aile gauche. Puis, Embiid profite de l’écran de Robert Covington afin de disposer de plus d’espace au poste avec Zach LaVine, qui a switché suite à cela, comme défenseur direct. Ryan Arcidiacono se tient près du camerounais afin d’apporter l’aide défensive à LaVine. Au moment où la prise à deux est enclenchée, Embiid transmet immédiatement à Luwawu-Cabarrot, ouvert derrière l’arc suite au revirement défensif d’Arcidiacono.
Constamment, les joueurs de Chicago ont été tentés d’effectuer une prise à deux sur Embiid, tant il peut être menaçant lorsqu’il dispose de la balle au poste. Il s’en est d’ailleurs très bien rendu compte, comme en témoigne ses déclarations d’après-match.
« Ils n’ont pas arrêté de vouloir faire des prises à deux, et cela a facilité nos offensives. Il me suffit de recevoir la balle au poste, s’il y a prise à deux, je ressors la balle pour un coéquipier. Et s’ils n’amènent pas de deuxième défenseur… »
En réalité, la prise à deux s’enclenchait dès qu’Embiid effectuait son premier dribble sur le post-up. Les deux séquences suivantes montrent l’excellent timing des transmissions, ainsi que l’importance d’avoir des coéquipiers ouverts capables de convertir ces tirs.
Si l’on observe la feuille des statistiques de la rencontre face à Chicago, on peut apercevoir qu’Embiid comptabilise seulement trois passes, soit celles présentes sur les deux séquences vidéos présentées ci-dessus. Cependant, ce total rend très peu compte de l’impact qu’a eu le camerounais dans la circulation de balle des 76ers, d’autant plus qu’il ne comptabilise pas des passes ne conduisant pas tout de suite après à un tir réussi, mais pourtant fondamentales dans l’analyse des capacités à la passe d’Embiid.
En effet, en lien avec la philosophie de jeu implémentée par Brett Brown, portée vers un mouvement quasi-constant de la balle, plusieurs fois le coéquipier à la réception de la passe d’Embiid privilégia l’extra-pass vers un autre coéquipier plus ouvert, plutôt que de tenter un tir qui aurait été relativement contesté.
Face aux Celtics il y a une semaine, Embiid a pu montrer toute l’étendue de ses qualités en terme de vision de jeu. Opposé à une défense beaucoup plus performante (première au Defensive Rating avec 99.8) que celle des Bulls, il est tout de même parvenu à trouver le bon coéquipier à qui transmettre la balle et les bons angles de passes lorsque la pression défensive se faisait trop importante.
Ici, sur le pick & pop initié avec T.J. McConnell, c’est Terry Rozier qui switche sur Embiid. Profitant du mismatch, il feinte le tir longue distance – comme à son habitude lorsqu’il se retrouve derrière l’arc mais que le défenseur est proche – puis s’en va effectuer le post-up. Seulement, Marcus Morris vient apporter l’aide défensive et malgré la forte pression défensive, il parvient à transmettre parfaitement la balle à McConnell, situé dans le corner opposé et en excellente position pour un tir longue distance ouvert.
Suite à la victoire face aux Bulls (115-101), Embiid a rappelé qu’il était important que ses coéquipiers puissent concrétiser les opportunités créées par ses passes et affirmant ironiquement qu’il ne s’agissait pas là d’un simple acte de charité.
« S’il y a prise à deux, je dois faire mon boulot et ressortir la balle, et croire en mes partenaires. […] Je souhaite qu’ils mettent leur tirs, parce que s’ils n’y parviennent pas, j’arrêterais de faire des passes. »
Au-delà de ça, si Joel Embiid parvient à poursuivre sur cette voie lors des prochains matchs, cela pourrait lui être très bénéfique, notamment dans son rapport avec les pertes de balles, l’un des grands défauts du camerounais. En effet, il est classé 5ème de la ligue en terme de pertes de balles par match, avec 4.1 TOV/Match, juste devant son coéquipier Ben Simmons (4.0 TOV/Match) et compte pour 37.4% des pertes de balles des 76ers, qui eux perdent en moyenne 18.2 ballons par rencontre et occupent la dernière place du classement dans ce domaine.
De plus, une plus grande participation d’Embiid à la création et à la circulation du ballon permettrait de fluidifier les offensives pennsylvaniennes, au vu des capacités qu’il a montrées dans ce domaine, tout en offrant à Brett Brown de nouvelles possibilités d’organisation de ses systèmes offensifs.