Après la victoire des 76ers face au Orlando Magic (130-111) samedi, J.J. Redick a été questionné dans les vestiaires sur une déclaration énoncée par celui qui fut son coéquipier du backcourt pour la rencontre, en l’absence de Ben Simmons.
« T.J. a dit que tu es le meilleur shooteur avec lequel il n’a jamais joué. »
« Il n’a jamais joué avec beaucoup de grands shooteurs », a souligné Redick, peu enclin à partager franchement son avis. « Ne le prenez pas mal, mais… »
Mais cela était évident dès le moment où Redick, qui sera plus tard reconnu comme faisant partie des meilleurs shooteurs de l’histoire de la Grande Ligue, parapha son contrat d’un an et de 23 millions de dollars cet été. Après avoir terminé 24èmes en terme de pourcentage de réussite à trois points au cours des deux premières saisons de la carrière de T.J. McConnell, les 76ers ont signé Redick pour élever leur niveau en la matière, d’apporter le spacing nécessaire à l’épanouissement Ben Simmons et Joel Embiid et ainsi améliorer la qualité du jeu offensif pennsylvanien.
Redick était, selon ses propres dires, « assez franc quant à son dégoût » pour ‘The Process’ lorsqu’il jouait aux Clippers. Maintenant qu’il est le joueur le plus âgé au sein d’une équipe jeune qui est le produit de la stratégie que Sam Hinkie a choisie il y a plus de quatre ans, il ne développe plus les mêmes propos. Il peut presque en rire désormais.
Bien que Redick n’ait pas été un partisan de la stratégie globale du front office de Philadelphie, il s’est retrouvé à admirer la façon dont les 76ers, qui ne disposaient pas d’un effectif profond, jouaient sur le terrain.
« La façon dont ils ont joué par le passé est probablement l’une des principales raisons pour lesquelles je voulais venir ici, », a déclaré Redick. « Parfois j’ai pu avoir l’impression qu’ils n’avaient pas pour intention première de gagner mais j’aimais leur jeu. Je me voyais bien prendre plaisir à jouer dans cette atmosphère. »
Sous la houlette de Brett Brown, l’attaque des 76ers a toujours été capable de faire circuler décemment la balle. La saison dernière, Philadelphie était l’équipe réalisant le plus de passes par matchs, avec 354.7 transmissions par rencontre, soit près de 30 de plus que Boston, classé deuxième. La seule circulation constante de la balle ne garantit pas une bonne attaque – en effet, les 76ers furent classés derniers en efficacité offensive lors des trois premières années de Brett Brown – mais les 76ers ont souvent été plus plaisants à regarder que ce que indiquait leur total de points.
2017-18 : 353.3 passes par match (1er), 104.4 en Offensive Rating (15ème)
2016-17 : 354.7 passes par match (1er), 100.7 ORtg (30ème)
2015-16 : 332.4 passes par match (3ème), 99.6 ORtg (30ème)
2014-15 : 327.4 passes par match (4ème), 93.0 ORtg (30ème)
2013-14 : 308.0 passes par match (11ème), 99.4 ORtg (30ème)
Brown a probablement répété « la passe est reine » aux médias des centaines de fois depuis qu’il a pris les rênes en 2013, et le coaching staff des 76ers ne cesse d’insister sur le mouvement de balle durant les entraînements et les séances vidéo. Probablement influencé par son expérience acquise à San Antonio en tant qu’entraîneur adjoint de Gregg Popovich, il pense qu’une attaque inanimée peut avoir un effet négatif sur le moral de l’équipe.
« C’est la seule chose qui, à mon avis, peut éroder un vestiaire, éroder la structure d’une équipe », a déclaré Brown à propos du jeu de passe des 76ers. « Parce que cet aspect apparaît autant en défense qu’il est flagrant en attaque. Lorsque vous ne partagez pas la balle, c’est un mauvais sentiment que nous ressentons tous. Dans les vestiaires, les joueurs sont omniscients par rapport au jeu, ils le ressentent plus profondément que nous. »
Maintenant que les 76ers disposent des qualités au tir de J.J. Redick et de Robert Covington, tandis que les attaques sont menées par Ben Simmons et passent par Joel Embiid, Brown peut triompher. Les 76ers sont jusqu’alors classés au 15ème rang en terme d’efficacité offensive et ont même montré qu’ils étaient capables de réussir certains défis. Ben Simmons est d’ores et déjà un élément incontournable du jeu des 76ers, tant il constitue un excellent créateur d’opportunités en attaque. Alors, du meneur de jeu rookie de 2.08 mètre, victime d’une blessure à l’épaule, les 76ers en furent quitte pour passer 130 points au Magic qui a défendu, par moments, comme une équipe dirigée par Don Nelson.
Le plus éloquent, ce ne fut pas tant le total de 130 points mais la manière dont les 76ers les ont inscrits. Durant cette rencontre, 35 de leurs 48 tirs réussis résultaient d’une passe décisive, et la circulation de balle derrière l’arc est apparue particulièrement esthétique. Philadelphie se classe désormais au deuxième rang concernant le pourcentage de tirs réussis provenant d’une passe, derrière Golden State.
Observons maintenant l’extra-pass effectuée par Dario Saric sur une attaque que les 76ers mobilisent régulièrement pour le croate. Il ne reçoit pas la balle de la part de Jerryd Bayless au départ de l’action, mais comme Timothé Luwawu-Cabarrot parvient à se débarrasser d’Evan Fournier juste après avoir reçu la gonfle à l’opposé du parquet, Saric peut servir Bayless, ouvert.
Embiid, diminué par un rhume et ne parvenant pas à éviter les pertes de balles en début de rencontre, a finalement terminé le match avec six passes décisives. Ici, son post-up contraint Elfrid Payton à apporter l’aide et, par conséquent, à abandonner McConnell, désorganisant complètement la défense du Magic. La transmission précise de Joel Embiid pour T.J McConnell dans le corner gauche débouche sur un tir primé de J.J Redick.
Redick, qui a terminé la rencontre avec 29 points, à 8 sur 12 à trois points, fut souvent laissé libre par la défense d’Orlando. Comme McConnell l’a noté après le match, un tir longue distance ouvert s’avère être aussi simple qu’un layup pour lui lorsqu’il est en forme. Il s’agissait ici d’une de ces rencontres valant 23 millions de dollars, qui justifie la décision des 76ers d’accorder de tels émoluments sous l’égide d’un contrat de courte durée presque exclusivement pour la qualité au tir de Redick.
« Chaque fois que vous le voyez ouvert, vous devriez lui donner la balle », a déclaré McConnell. « C’est une chose assez évidente à faire. »
McConnell, qui a terminé le match avec 15 points, 13 passes (pour seulement une perte de balle) et 7 rebonds, a été fantastique en l’absence de Simmons. La moitié de ses passes décisives ont été effectuées en transition.
« Lorsque Ben remonte la balle en transition, il peut à peu près atteindre le cercle dès qu’il le souhaite », a dit Redick. « T.J. joue à un rythme similaire, avec l’intention d’essayer d’attirer un second défenseur ou simplement de semer la confusion chez l’adversaire. Souvent, il n’attire pas de second défenseur. Nous nous déplaçons seulement autour de sa pénétration. Il l’utilise en quelque sorte, nous appelons cela une ’Steve Nash’ où il dribble sous le panier et se retourne de façon à créer une opportunité pour nous. »
« Nous avons parlé plus tôt ce matin lors du shootaround de ce que nous appelons ‘Noahs’, cela ressemble à des ‘dribbles handoffs’ (lorsque celui qui effectue l’écran dribble en direction d’un autre joueur, avant de transmettre la balle à ce-dernier, ndlr) en transition entre T.J. et moi. Je crois que mon premier trois-points provient d’une action de ce type, donc on l’a bien exécutée. »
Encore une fois, ce serait peu raisonnable de minimiser le rôle d’Orlando dans la réussite offensive des 76ers. Restant sur huit défaites d’affilée, la défense du Magic fut particulièrement mauvaise. Et comme Redick l’a mentionné, il y a une raison pour laquelle Simmons constitue un casse-tête pour les entraîneurs adverses, malgré moins de 20 matchs à son actif dans sa carrière. Si vous ne le stoppez pas dès le début de la transition, Simmons s’en ira conclure agressivement au cercle, chose dont McConnell n’est évidemment pas capable.
Mais, marteler les équipes en difficulté à domicile est quelque chose dont sont capables les meilleures équipes en NBA. Jouant sans leur deuxième meilleur joueur et meilleur gestionnaire offensif, les 76ers ont remporté une nouvelle rencontre à domicile qui sonne comme un triomphe du système et de la culture que Brown et ses adjoints ont implantés tout au long des précédentes saisons jalonnés de défaites récurrentes.
Le talent est important. Les 76ers se sont beaucoup améliorés sur le plan offensif principalement parce que Simmons, Embiid et Redick jouent ensemble, mais ces joueurs talentueux sont tout autant aidés par une infrastructure qui est en place depuis maintenant plusieurs années.
Parfois, des progrès sont réalisés même s’il est difficile de les repérer.
« Nous le montrons sur les vidéos, nous parlons de la passe, nous parlons de la façon dont on score », dit Brown. « Et si vous demandez à ces gars, ils vous diront qu’avant chacun des matchs qu’on joue, nous avons toujours les mêmes discussions. Comment allons-nous scorer?. Et la réponse fuse aussitôt, la passe est reine. »
Traduction de l’article de Rich Hofmann de ‘The Athletic’ : The pass is king: Sixers’ unselfish playing style has been developed throughout The Process