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Le bon trade, Okafor et les Pelicans

Chronique annoncée de l’intersaison, la gestion de l’excédent de talent au poste de pivots n’avait pas manqué d’alimenter les colonnes du rumeurathon sans qu’elle ne se concrétise par le départ de Philadelphie, de l’un des trois pivots issus de lottery picks des draft 2013, 2014 et 2015.

Aux lendemains de la draft 2016 où des opportunités se présentèrent sans qu’il ne juge pertinent de les saisir, Bryan Colangelo exposa sans ambages ses velléités quant au devenir du trio.

« Quand vous regardez notre effectif, il ne fait pas de doute qu’il est déséquilibré. Nous devons déterminer ce que nous allons faire avec chacun des joueurs qui composent cet effectif. Si on prête attention aux appels que nous recevons, il est clair que tout le monde tente de nous soutirer un big man ».

Bryan Colangelo

« Nous ne conclurons pas de mauvais échange juste pour réaliser un échange. Je pense que nous pouvons devenir une meilleure équipe de basketball en distribuant le talent de manière plus équilibrée. Peut-être convient-il d’utiliser un de ces atouts pour combler un autre besoin dans l’effectif. Ce qu’on peut dire dès à présent, c’est que nous apprécions chacun d’entre eux, nous voulons les voir donner le meilleur d’eux-mêmes. Mais en fin de compte, la réalité nous impose qu’à un certain moment, un des trois devra partir mais seulement si l’échange est bon ».  

Bryan Colangelo

Exclu de la rotation quand tout le monde est en bonne santé, Jahlil Okafor est le candidat idoine au départ. Son profil n’étant pas complémentaire de ceux de Joel Embiid et Ben Simmons, les éventuels départs de Nerlens Noel et de Richaun Holmes ne rendrait pas son futur à Philadelphie plus désirable.

La situation du troisième choix de la draft 2015 intrigue les différents bureaux exécutifs, soucieux de connaître les exigences de Bryan Colangelo pour se délester du sophomore. Après les Bulls, ce seraient, selon des sources concordantes, les Pelicans qui auraient jeté leur dévolu sur le sophomore.

Reste à définir ce que Dell Demps pourrait proposer afin de répondre aux standards d’un « bon échange » et ce que Bryan Colangelo peut concevoir comme étant un échange d’égale valeur à celle produite par Jahlil Okafor.

 

De la théorie de la valeur

Au détour d’une analyse des mouvements entrepris par Sam Hinkie lors de la draft 2014 et de ceux qu’il lui restait à concrétiser, nous avions mobilisé la théorie marxiste de la valeur afin d’opérer une distinction entre ce que pouvait être la valeur d’usage et la valeur d’échange de Thaddeus Young. Ce cadre réflexif demeure pertinent dans l’étude du cas Jahlil Okafor.

Sur le marché, les joueurs n’ont de valeur que celle que perçoivent les interlocuteurs potentiels. Autrement dit, un joueur n’a pas de valeur intrinsèque et immuable. Au contraire cette dernière se décline en deux types de valeur dont la mise en tension conduit à la décision de le mettre sur le marché ou non. D’abord une « valeur d’usage » qui s’exprime dans la façon dont un joueur peut apporter à une stratégie. En l’espèce, la « valeur d’usage » de Thaddeus Young se traduit par ses performances sur le parquet mais aussi et surtout par ce que sa présence dans le vestiaire et aux entraînements apporte aux prospects constituant l’essentiel du roster. Joueur exemplaire, professionnel irréprochable, Thaddeus Young est à 26 ans, un « vétéran » idoine pour transmettre aux jeunes joueurs le goût de l’effort tout en apportant de la compétitivité au sein d’un effectif qui en manquera cruellement.

La seconde composante de la « valeur » d’un joueur est sa « valeur d’échange » autrement dit ce que les interlocuteurs sont prêts à céder pour l’acquérir (ou ce que son départ pourrait offrir en matière de flexibilité = dégager du cap space).

En juin 2014, Thaddeus Young jouissait d’une « valeur d’usage » largement supérieure à ce qu’est aujourd’hui celle d’un Jahlil Okafor, déclassé au sein de la rotation et peu complémentaire des pièces destinées à constituer le noyau des 76ers pour la prochaine décennie.

En décembre, dans le cadre de la conférence de presse organisée suite aux déclarations de Nerlens Noel, mécontent de son temps de jeu, Bryan Colangelo avait une nouvelle fois concédé l’existence d’un problème tout en se refusant de le régler tant que la contrepartie proposée n’était pas à la hauteur.

 

« Nous sommes confrontés à un embouteillage en raison des décisions qui ont été prises avant mon arrivée. Disposer d’un excédent de talents au poste de pivot est un bon problème à avoir. Je ne conclurai pas de mauvais échange pour cette organisation au motif de régler ce problème ». 

Bryan Colangelo

Là où il était attendu que le nouveau décisionnaire cède un pivot afin de rééquilibrer l’effectif, ses déclarations répétées inlassablement contribuent à accroître les exigences. A minima, elles conditionnent l’interprétation de ce qu’il entend par un « bon échange » alors que les standards en la matière ont été érigés à un niveau exceptionnel par le moins bavard mais tout aussi disert Sam Hinkie, habitué à réaliser des opérations d’éclat à la table des négociations.

 

De l’opportunité d’un « bon échange »

L’évaluation de la mission que le président des 76ers s’est assigné fluctuera largement selon que l’on placera le curseur sur ce qu’a coûté Jahlil Okafor aux 76ers (le troisième choix de la draft 2015) ou sur ce qu’il rapporte concrètement ou qu’il pourrait éventuellement rapporter sur le parquet ; autrement dit selon que l’on comparera la contrepartie obtenue à la valeur d’échange de l’asset utilisé pour l’acquérir ou à la valeur d’usage du quatrième pivot de la rotation de Brett Brown.

Depuis son intronisation en lieu et place de Sam Hinkie, Bryan Colangelo a dissipé les inquiétudes les plus vives. Pour l’heure, il n’a en rien altéré l’avenir prometteur des Philadelphia 76ers. Il a conservé les pièces maîtresses de l’effectif, opéré de bonnes sélections lors de la draft 2016 aux positions obtenues par son prédécesseurs, ajouté les tant désirés « vétérans » sans entraver outre-mesure la flexibilité salariale de la franchise, conclu des salary dump trades afin de densifier sa collection d’assets et surtout de se rapprocher du salary floor quitte à s’engager dans des manœuvres peu élégantes.

Dix mois après sa nomination, il est à mettre au crédit de Bryan Colangelo, l’adjonction de quelques vétérans de second rang à l’apport inégal et surtout d’avoir su patienter sagement pour récolter les fruits enfin mûrs du travail de son prédécesseur. A cet égard, sa contribution au regain de compétitivité sportive de la franchise demeure marginale. Sans Joel Embiid, l’équipe est en proie aux mêmes difficultés que la saison passée.

Le nouveau décisionnaire n’a pas encore réalisé le mouvement qui marquera l’effectif de son empreinte. L’excédent de talents à l’intérieur n’a pas été liquidé, pas plus qu’il n’a ramené en Pennsylvanie une pièce qui pourrait s’intégrer au noyau d’une future équipe championne. Cette patience est appréciable et elle est à saluer tant les craintes quant aux velléités des Colangelo de mettre en exergue leurs habiletés étaient criantes.

Parmi la cohorte de griefs formulés à l’endroit de Bryan Colangelo, le procès en incompétence est assurément le moins fondé. A l’instar de celui des coachs et des joueurs NBA, l’univers des GM ne recèle en son sein qu’une petite poignée de décisionnaires exceptionnellement talentueux, capables de transcender n’importe quelle situation. De la même manière, rares sont les authentiques impostures. S’il doit son poste à son paternel, et que son bilan n’est pas exempt de décisions peu inspirées, Bryan Colangelo n’est pas l’incompétent patenté qui n’aurait comme mérite que celui d’être bien né.

En revanche, à l’instar de son père, il est particulièrement soucieux de l’image qu’il renvoie et se montre prompt à céder au mal qui affecte les GM : la tentation de diriger pour eux-mêmes avec comme horizon la conservation de leur emploi ou l’appréciation de leur réputation plutôt que l’intérêt supérieur de l’organisation.

En l’espèce, Bryan Colangelo est assurément conscient que son premier mouvement d’ampleur sur le marché marquera son mandat et conditionnera le jugement de ses prochaines manœuvres. Sa volonté réitérée de ne pas conclure de « mauvais échange », comme si la précision était utile et qu’il était à l’agenda d’un GM de conclure le pire échange qu’il soit, l’a acculé et l’a jusqu’alors contraint à attendre une opportunité qui ne se serait pas présentée.

En attendant, Bryan Colangelo a fait la démonstration que la valeur d’usage de Jahlil Okafor à Philadelphie était proche du néant. Cette demi-saison a réduit l’incertitude, certes déjà ténue, sur la viabilité de l’association du natif de Chicago avec Joel Embiid, et de fait, affecté la perception de sa valeur d’usage. Conscients que Jahlil Okafor est peu utile à la compétitivité des 76ers et qu’il constitue un problème quand bien même il serait de qualité, les homologues de Bryan Colangelo adapteront leurs propositions en conséquence, affaiblissant d’autant la valeur d’échange du prospect.

Si elle était conceptualisée, cette patience qui pourrait être jugée excessive, n’était pas dénuée de fondements. Le pari était le suivant. A cette dépréciation des facteurs internes de la valorisation de l’ancien Dukie, répondrait une appréciation des circonstances extérieures, à savoir la hausse de la demande et donc de sa valeur d’échange au gré des blessures affectant les uns, des déceptions collectives des autres et des besoins inattendus de candidats surprises à une accession en post-season.

A l’orée de la trade deadline, une nouvelle fenêtre d’opportunités peut s’ouvrir à la condition qu’une équipe, et a fortiori plusieurs, soit tentée d’offrir à Jahlil Okafor (ou à tout autre pivot qui ne répondrait pas au patronyme de Joel Embiid) un environnement plus propice à son développement.

Si on se fie aux informations des différents insiders, c’est précisément la situation qui se présenterait. Après les Bulls, les Pelicans seraient sur les traces de Jahlil Okafor.

 

 

 

Englués dans les bas-fonds de la Ligue (voir le tankathon), les Pelicans souhaiteraient acquérir un pivot et se délester du contrat d’Omer Asik. Pour ce faire, ils seraient enclins à céder leur choix du premier tour 2018.

 

 

Dans ce contexte, les discussions entre Bryan Colangelo et Dell Demps se seraient selon Marc J. Spears cristallisées autour d’un échange entre Jahlil Okafor et Alexis Ajinça plus le choix du premier tour 2018 des Pelicans protégé.

 

 

Largement commentées par les différents insiders (Marc Stein, Marc J. Spears, Woj, Keith Smith, etc..), les discussions entre les deux bureaux exécutifs ne seraient pas mortes mais la conclusion d’une transaction semble bien loin d’être éminente. Ainsi, selon Keith Smith, elles auraient achoppé sur la protection du choix du premier tour 2018 des Pelicans. Ces derniers envisageaient une protection sur l’intégralité de la loterie quand les 76ers en exigeaient une plus limitée.

A l’instar de ce que pouvaient proposer les Bulls, l’offre des Pelicans n’est probablement pas à la hauteur des standards d’un « bon échange » pour l’imaginaire collectif. Elle produirait assurément davantage de valeur d’usage que Jahlil Okafor dans le contexte actuel des Philadelphia 76ers.

 

Vers un salary dump trade déguisé ?

En sus du choix du premier tour 2018, les 76ers auraient donc dû accepter de prendre en charge le salaire d’Alexis Ajinça. Le contrat de The Ançwer court jusqu’en 2019 et lui vaudra des émoluments de 4,96 millions de dollars en 2017-2018 et 5,28 millions de dollars en 2018-2019.

Peu utilisé par Alvin Gentry, le français serait l’objet d’un salary dump trade destiné à assainir les finances de la franchise de la Nouvelle-Orléans. Ces derniers aspireraient d’ailleurs à se délester du contrat d’Omer Asik, autrement plus conséquent (33 millions de dollars sur 3 ans après cette saison), ce que les 76ers auraient refusé.

Une autre considération aurait empêché les discussions de se conclure, l’inclusion ou non de Jrue Holiday dans la transaction.

 

La présence de Jrue Holiday ?

Ainsi, selon Sam Amico de FoxSports, un autre point d’achoppement aurait émaillé les discussions, les 76ers auraient tenté d’intégrer Jrue Holiday aux discussions. Il s’agirait alors d’un échange aux contours radicalement différents.

Pour les Pelicans, un tel échange signerait la fin des ambitions pour la saison actuelle et interrogerait la pertinence du choix de Jahlil Okafor. Tenter de relancer la carrière du troisième choix de la draft 2015 fait sens à la condition de lui offrir un contexte propice à son développement. Or cela passe irrémédiablement par la présence d’un meneur de jeu d’une qualité supérieure aux Kendall Marshall, Ish Smith, T.J McConnell et Sergio Rodriguez qui ont eu la charge d’abreuver dans les conditions idoines ce scoreur naturel au poste bas.

Du point de vue des 76ers, l’inclusion de Jrue Holiday dans la transaction entérinerait de manière symbolique la fin de l’héritage hinkien. La cession de Jrue Holiday lors de la draft de 2013 fut la première manœuvre de Sam Hinkie, celle qui enracinait son projet dans la longue durée.

Récupérer le dernier joueur des 76ers à avoir eu les honneurs d’une sélection pour le All-Star Game produirait du sens au-delà du champ symbolique. S’il est un shooteur à longue distance trop irrégulier pour s’établir comme le parangon du meneur de jeu partageant les responsabilités à la création avec Ben Simmons, ses qualités de driveur et sa rigueur défensive l’érige en complément plus qu’appréciable des deux figures de proue de l’effectif pennsylvanien.

 

 

Pour autant, le recrutement de Jrue Holiday lors de cette trade deadline contribuerait à faire rejaillir les craintes initialement suscitées par l’arrivée de Bryan Colangelo et qu’il a jusqu’alors partiellement dissipées.

L’arrivée du 17ème choix de la draft 2009 porterait aussitôt les 76ers à un autre niveau de compétitivité sans pour autant les assurer d’atteindre des playoffs. Les 76ers émargent désormais à 5,5 matchs des Detroit Pistons, détenteurs du dernier accessit. Un retard colossal à combler en 31 rencontres dont une majorité loin du Wells Fargo Center.

Recruter Jrue Holiday dès cette trade deadline, c’est probablement ôter l’once de pression qui demeure sur les épaules de Ben Simmons en lui associant un partenaire plus à même de faciliter son intégration que ne peuvent l’être T.J McConnell et Sergio Rodriguez. Adjoindre Jrue Holiday à ce moment-là de la saison, c’est surtout s’offrir la possibilité d’un rush vers la médiocrité, l’année où nombre des meilleurs prospects de la cuvée évoluent sur le backcourt.

A ce stade du processus de reconstruction, Bryan Colangelo ne saurait être mû que par la seule maximisation de son stock de balles de loterie, qu’importe le niveau de talents dont ce millésime recèle. Au surplus, quand on connaît la nature des créances dont dispose la franchise en vertu des transactions conclues par Sam Hinkie avec les Kings et les Lakers.

Acquérir un joueur au pedigree établi et aux capacités bien identifiées, capable d’accompagner Joel Embiid et Ben Simmons durant la prochaine décennie est un objectif tout aussi pertinent. En l’espèce, Jrue Holiday ne correspond que très partiellement à ce profil.

En sus d’un historique de blessures de nature à inquiéter les plus optimistes au regard des qualités qu’exige le style de jeu du meneur formé à UCLA ; Jrue Holiday sera agent libre non restreint en fin de saison.

Dès lors, les 76ers n’auraient aucune garantie de le conserver au-delà des 26 matchs qu’il restera à disputer au lendemain de la trade deadline. L’été venu, Bryan Colangelo sera confronté à l’alternative suivante : offrir à un meneur de jeu de 27 ans sujet à des blessures récurrentes (il les fêtera le 12 juin prochain) une offre de contrat qui ne se refuse pas ou laisser filer le joueur vers d’autres horizons au risque d’être définitivement accusé d’avoir conclu un mauvais trade.

 

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Seul face à la lumière blafarde de mon League Pass, j'ai décidé une nuit de créer un site pour rassembler les fans des Philadelphia Sixers. Si vous lisez cette bio, c'est déjà une victoire.

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