Nous suivre ailleurs

Chroniques

Les Sixers ont-ils besoin d’un meneur de jeu?

La surréaction à une saison calamiteuse est assurément le danger le plus imminent qui guette les 76ers lors de cette intersaison. Surcompenser les lacunes évidentes du roster de l’année passée assurera probablement aussitôt un regain de compétitivité sur le parquet mais en posant la focale sur les besoins immédiats, le bureau exécutif prend le risque de perdre de vue l’horizon de ce processus entamé il y a désormais trois ans.

En décembre dernier, afin de mettre un terme à leur exécrable série de revers, les Philadelphia 76ers avaient besoin d’un meneur de jeu, susceptible de gérer le rythme et d’organiser une équipe qui manquait de repères en raison du turnover permanent au sein de l’effectif et aux blessures qui ont largement contribué à ternir la situation des ouailles de Brett Brown.

Les 76ers avaient cruellement besoin d’un meneur pour rendre moins indigeste la cohabitation de Nerlens Noel et de Jahlil Okafor dans la raquette. Les 76ers auraient largement bénéficié des habiletés d’un meneur de jeu expérimenté, capable d’abreuver Jahlil Okafor au poste bas en réalisant les entry-pass que peinaient à exécuter T.J McConnell, lors de ses débuts, et Isaiah Canaan, tout en distillant les alley-oop pour Nerlens Noel.

L’attaque des 76ers aurait gagné en fluidité si un meneur de jeu avait été capable de servir idéalement Jahlil Okafor tout en profitant des prises à deux de ce dernier pour sanctionner la défense sur un catch & shoot à longue distance.

Kendall Marshall était supposé être ce joueur. Malheureusement, l’ancien de North Carolina n’a jamais semblé être en mesure de retrouver une condition physique en rapport avec son statut de basketteur professionnel.

A lire : Kendall Marshall au secours de Jahlil Okafor et de l’attaque des 76ers ?

Idéal type de la surréaction des 76ers à leurs difficultés (oserai-je dire passagères ?), le recrutement d’Ish Smith a produit des effets aussi salvateurs sur le court terme que désastreux à plus longue échéance.

A l’époque, les difficultés des Philadelphia 76ers s’exprimaient à maints égards  dont deux pouvaient trouver leur origine dans les lacunes à la mène. Collectivement, les hommes de Brett Brown ne parvenaient pas à glaner des succès sur le parquet quand Kobe Bryant ne le foulait pas simultanément. Le développement de Jahlil Okafor, remarquable au scoring sur isolation, semblait entravé par la présence de Nerlens Noel à ses côtés et de l’absence d’un meneur capable de le servir idéalement.

Le recrutement d’Ish Smith et son contrat expirant contre les choix du second tour de Denver (2016) et des Sixers (2017) a certes permis aux 76ers de glaner quelques précieux succès et d’afficher un niveau collectif moins indigent mais il n’a nullement contribué à la mise en exergue d’un Jahlil Okafor qui ne pouvait profiter de l’habileté principale du meneur de poche, à savoir se rendre dans la raquette, puisqu’il occupait déjà ledit espace. Tous deux ayant besoin de la gonfle entre les mains afin d’exploiter leur répertoire, Jahlil Okafor ne pouvait profiter du jeu sans ballon, cruellement pauvre de Smith.

La volonté absolue d’éviter une saison historiquement mauvaise a participé de la préférence accordée à la cohabitation entre Ish Smith et Nerlens Noel au détriment d’un Jahlil Okafor, pas encore prêt à peser sur les résultats comptables de son équipe mais au potentiel de superstar plus affirmé que celui de son partenaire.

A l’approche de la draft et d’une intersaison où les Sixers jouiront d’une colossale marge de manœuvre salariale, la quête d’un meneur de jeu expérimenté est de nouveau présentée comme un enjeu structurant de l’été.

Keith Pompey, en tête, les insiders n’ont de cesse de répéter cette ritournelle qui ne produit portant peu de sens dans le cadre du plan ici développé (ndlr : ceci constitue une partie du #JoueLaCommeDiLéo qui, en raison de la disponibilité médiatique de Bryan Colangelo, n’a pu être publié en temps voulu. Ainsi, dans ce texte, il est considéré que Ben Simmons sera le choix des 76ers). Les Philadelphia 76ers ayant jeté leur dévolu sur Ben Simmons avec le premier choix de la draft, la position de meneur de jeu devient probablement celle où les besoins sont les moins prégnants et les moins urgents.

Forts des qualités de playmaking de Ben Simmons, les Sixers n’ont plus l’impérieuse nécessité d’acquérir cette année un meneur de jeu de très haut standing.

Si Ben Simmons est le meilleur prospect de cette cuvée, c’est en raison de ses aptitudes à créer, balle en main, pour lui-même et ses partenaires. Il convient donc de lui confier la balle autant que possible.

S’il ne sera pas le seul porteur de balle et qu’il ne l’était d’ailleurs pas à LSU, la maximisation de ses qualités et l’optimisation de son développement passe probablement par le statut de premier créateur.

Ainsi, la présence de l’australien dans l’effectif confère une flexibilité nouvelle aux 76ers. Loin d’avoir besoin d’un meneur de jeu de type Jeff Teague, ils peuvent au contraire se contenter de rapatrier en Pennsylvanie un meneur de second rang.

En tout état de cause, la présence de Ben Simmons, devrait conduire les 76ers à saisir les opportunités qui se présenteraient plutôt qu’à chercher à acquérir activement un meneur de jeu cet été.

Le processus de reconstruction suivant son cours, la composition de la classe de draft 2017 ne peut être ignorée. Avec leur propre sélection agrémentée du droit de swap avec les Kings et du choix des Los Angeles Lakers, les Philadelphia 76ers se retrouveront en juin prochain, en position de choisir un meneur de jeu parmi Markelle Fultz, Frank Ntilikina, Dennis Smith, De’Aron Fox, Lonzo Ball, Malik Monk sans compter les prospects qui suivront une trajectoire analogue à celle de D’Angelo Russell.

Il ne s’agit pas d’identifier les besoins par rapport à l’effectif qui vient de disputer la dernière saison mais en fonction des pierres angulaires de l’effectif que présentera Philadelphia, lors du prochain exercice. Avec Ben Simmons, les besoins, quel que soit la position, peuvent se résumer en deux mots : shooting et défense.

Quel profil à la mène ?

En l’espèce, en conférant à Ben Simmons, une large responsabilité à la création, les 76ers s’offrent de la flexibilité quant au profil du « meneur » recherché. La présence de Ben Simmons permet ainsi de considérer des candidats qui ne se distinguent pas particulièrement par leur playmaking, lacune d’ordinaire rédhibitoire.

La gestion de la mène étant essentiellement confiée à Ben Simmons, le poste 1 qui évoluera sur le parquet au côté de l’australien verra ses responsabilités à la création être limitées, la focale devant donc être posée sur son jeu sans ballon et son aptitude à étirer les défenses par sa fiabilité longue distance et sur sa défense sur les porteurs de balle adverses les plus vifs. A cet égard, Ben Simmons permet de cibler des postes 1 plus grands, capables de défendre plusieurs positions, ce qui est difficile d’exiger d’un meneur de jeu déjà éprouvé physiquement par la gestion constante de la gonfle.

Loin de contraindre les 76ers à des mouvements qui auraient été dispensables avec une sélection de Brandon Ingram lors du premier choix de la draft – la présence d’un point-forward ne rend pas plus surnuméraire la présence de trois pivots, qui ont besoin d’évoluer près du cercle pour maximiser leurs talents que celle d’un ailier-shooteur – le recrutement de Ben Simmons confère un avantage comparatif aux 76ers, celui de la possibilité de composer un effectif compétitif avec un simple role player au « poste 1 ».

De fait, il n’est nul besoin de se montrer pro-actif pour acquérir un meneur de jeu tel qu’envisageait de le faire Bryan Colangelo avec Jeff Teague.

A lire : Bryan Colangelo prêt à échanger Nerlens Noel, Nik Stauskas et Robert Covington pour Jeff Teague.

Malgré tout, Bryan Colangelo semble plus que jamais enclin à échanger Nerlens Noel et/ou Jahlil Okafor afin de sécuriser l’acquisition d’une nouvelle sélection dans le top 8 avec une large inclinaison pour le troisième choix, qui serait utilisé pour sélectionner Kris Dunn ?

Les Sixers ont-ils besoin de Kris Dunn ?

Kris Dunn est un des meilleurs athlètes de cette cuvée et représente un des rares joueurs qui se projette comme un talent susceptible d’exceller des deux côtés du parquet. A cet égard, il s’établit, à mes yeux, comme le quatrième meilleur prospect derrière Ben Simmons, Brandon Ingram et Dragan Bender.

Dépeint par certains comme un « late bloomer », il a effectivement explosé sur le tard en raison de blessures qui l’ont privé de l’essentiel de ses deux premières saisons universitaires. Pour autant, à son arrivée sur le campus de Providence, Kris Dunn n’avait pas échappé à la vigilance des scouts qui l’érigeaient en 20ème position du classement RSCI qui hiérarchise les meilleurs talents lycéens.

A 6’4’25 pieds et présentant une envergure de 9’5 pieds, Kris Dunn dispose d’attributs physico-athlétiques qui lui confèrent une appréciable polyvalence défensive. Plus grand qu’un Jamal Murray qui se destine à une carrière au poste deux, il jouit d’une excellente vitesse de déplacement latéral, d’une bonne lecture du jeu et s’il a trop souvent tendance à surjouer l’interception, ses instincts défensifs en font un intercepteur redoutable.

Chaque turnover forcé par sa défense fournit une opportunité de l’autre côté du parquet. Son potentiel athlétique s’exprime parfaitement sur transition, où sa combinaison de vitesse, aptitude à changer de direction, et de puissance lui permet de conclure au cercle avec aisance. Cette saison, il tournait à 63% de réussite dont 40% de paniers non assistés, ce qui démontre sa capacité à se créer ses propres opportunités au scoring.

Néanmoins, le registre de Dunn ne se résume pas à ses qualités de slasher. Le meneur de 22 ans est à l’aise sur pick and roll où sa lecture du jeu et sa qualité de passe l’autorise à délivrer des offrandes dans les petits espaces aux big mens qui coupent.

Pour autant, sa prise de décision demeure trop régulièrement contestable. S’il a réduit le volume de ses pertes de balle (3,5 cette année contre 4,2 l’an passé) notamment grâce à un plus grand partage des responsabilités à la création, son TOV% qui avoisine les 20% demeure inquiétant. Et ce, en dépit du spacing guère reluisant proposé par Providence.

Le rythme sur lequel évolue Kris Dunn en fait une menace permanente, sur transition, pour l’équipe adverse mais s’avère tout aussi périlleux pour ses coéquipiers. Sur transition, son ratio passes/pertes de balle de 2,1 est acceptable, en revanche son 1.7 sur demi-terrain interpelle.

La grande qualité de Kris Dunn est aussi sa principale faille : générer des pertes de balle.

La sélection de tirs du meneur alimente également les réserves quant à l’efficience de sa prise de décision. Si le spacing proposé par Providence n’était pas idéal, Kris Dunn s’appuie trop largement sur un mid-range pourtant peu efficace.

Certes, la puissance de feu limitée de son équipe le contraignait à prendre certains mauvais tirs mais les situations où Kris Dunn prenait la décision de tenter sa chance en début de possession n’étaient pas rares.

Sa sélection de tirs perfectible n’est pas éclipsée par la progression de ses pourcentages. Tout au long de sa carrière universitaire, il s’est montré plus adroit à longue distance, passant de 28,7% à 37,2% lors de son ultime exercice universitaire. Les pourcentages de Kris Dunn ne semblent pas refléter son aisance dans l’exercice, si son 37,2% apparaît prometteur, il n’en reste pas moins un artilleur peu régulier, capable de régler la mire comme de manquer totalement sa cible.

A 22 ans, sa capacité à maintenir ca progression interpelle d’autant plus que ses blessures à l’épaule l’ont contrait à procéder à des ajustements de sa mécanique Kris Dunn et privé de très longues séances d’entraînement. A maints égards, Kris Dunn est un plus jeune joueur que ne l’indique son passeport.

 

Incontestablement, par sa polyvalence défensive, Kris Dunn présenterait le profil idoine pour soutenir Ben Simmons et placer sous l’éteignoir le porteur de balle adverse. Par ailleurs, sa faculté à générer des pertes de balle sublimant ses habiletés sur transition, sa coexistence avec Ben Simmons dans ce registre s’avérerait redoutable.

Les deux joueurs devront toutefois porter une attention plus saillante à ce qui se passe sur le parquet loin de la balle et moins compter sur leurs instincts pour réaliser des actions d’éclats au risque de délaisser les rotations et les aides défensives.

En attaque, Ben Simmons requiérant une part substantielle des responsabilités à la création, il s’agira de l’entourer de knock-down shooters. En l’état, Kris Dunn ne satisfait pas à cette exigence.

Peut-il parvenir à s’établir comme un spécialiste du catch and shoot ?

Est-il capable de contribuer suffisamment dans d’autres secteurs pour dissiper les effets de cette lacune ?

Jusqu’à présent, Kris Dunn a monopolisait la gonfle. Et c’est dans ce registre qu’il s’est établi comme un des meilleurs prospects de cette cuvée. A minima, sa cohabitation avec Ben Simmons restreindra son utilisation, balle en main.

En alignant Ben Simmons et Kris Dunn dans le même cinq, les 76ers devraient une nouvelle fois, choisir quel prospect mettre dans les meilleures dispositions et quel prospect devra consentir à une utilisation non optimale. Si Kris Dunn est un prospect intriguant, ce n’est pas ce joueur que vous draftez si vous escomptez l’utiliser au côté d’un manieur de ballon dominant.

Ceci étant dit, si les doutes qui pèsent sur le potentiel de shooteur de Dunn, entravent sa complémentarité avec Joel Embiid, Jahlil Okafor ou Nerlens Noel, ses aptitudes sur pick and roll et son appétence pour servir des big men au cercle devraient contribuer à actualiser régulièrement la table de marque. Sans compter que la dissuasion défensive de Joel Embiid ou Nerlens Noel, le soulagerait de ce côté du parquet, lui permettant de disposer de davantage d’influx sur les phases offensives.

Si Bryan Colangelo est réellement décidé à acquérir le troisième choix en cédant Nerlens Noel, et que Dragan Bender n’est pas considéré, Kris Dunn est certainement une cible acceptable mais bien loin d’être optimale.

En l’occurrence échanger Nerlens Noel pour Kris Dunn ne règlerait pas le problème d’embouteillage à l’intérieur, Jahlil Okafor semblant toujours aussi peu complémentaire de Ben Simmons et de Joel Embiid.

Bryan Colangelo essaiera-t-il alors d’échanger Jahlil Okafor en comptant reposer sur un rookie qui sort de deux saisons blanches et autant d’opérations du pied au poste de pivot ? Le fera-t-il pour associer deux top prospects qui ont besoin d’avoir la gonfle en main pour maximiser leurs qualités ?

 

Seul face à la lumière blafarde de mon League Pass, j'ai décidé une nuit de créer un site pour rassembler les fans des Philadelphia Sixers. Si vous lisez cette bio, c'est déjà une victoire.

Commentaires
Publicité

Facebook

Archives

En lire plus Chroniques