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Road to the ring, chapitre 2: La pièce manquante.

« It don’t mean a thing.. without the ring ! » disait Scottie Pippen à propos du record aujourd’hui battu des InvinciBulls de 1996.

Au vu des récents événements, il semble clair que cette remarque pourrait parfaitement être la devise des décideurs des 76ers.

Qu’il est loin le temps où j’écrivais le premier chapitre de cette série, où Brett Brown et Joel Embiid pensaient tous deux n’avoir besoin de personne pour aller jusqu’au bout…

Dans la nuit du 6 février 2019, Elton Brand et son équipe ont lâché une petite bombe en concluant un échange à 6 joueurs avec les Los Angeles Clippers. En voici l’équation:

Harris + Scott + Marjanovic = Chandler + Muscala + Shamet + 1er tour 76ers 2020 (protégé loterie) + 1er tour Heat 2021 (non protégé)

Aux dires de Rich Hofmann, journaliste de chez The Atheltic, cela faisait déjà des mois que les 76ers cherchaient à acquérir l’ailier fort des Clippers.

Qu’importe au final. Si cela était déjà clair avec l’arrivée de Jimmy Butler (dont vous pouvez lire l’analyse ici), le message est désormais on ne peut plus explicite: les 76ers entendent aller jusqu’au bout, et ce dès cette année.

Avant toute réflexion de fond, commençons par présenter l’élément principal du deal: Tobias Harris.

Pour ceux qui connaîtraient mal le bonhomme, sans aller jusqu’à parler d’elite forward, sachez qu’on parle là d’un attaquant ultra complet, qui n’a pas grand chose à envier aux meilleurs joueurs de la ligue.


Outre cette polyvalence offensive extrêmement intéressante, il faut ajouter à cela que globalement, le garçon met dedans comme un goret. En effet, outre un splendide 57 au TS%, il figure dans le 83e percentile au PSA (point per shot attempt, stat made in cleaningtheglass.com).

Enfin, l’ex-Clipper a tout de la pièce manquante par excellence. Les 76ers manquaient cruellement d’un shooteur supplémentaire. De préférence un shooteur régulier. Or il se trouve que Tobias Harris est un shooteur d’élite. L’excellent 1,22 point par possession que vous voyez ci-dessus est déjà très intéressant, mais ses 41% de réussite sur le catch and shoot 3′ l’est tout autant. De plus, sur les tirs les plus importants en playoffs, à savoir les tirs à 3 pts ouverts, le grand ami de Boban Marjanovic est tout simplement létal avec 46% sur les 3 pts ouverts et 43% sur ces même tirs grands ouverts.

Si vous avez du mal à visualiser, voici la shot chart de l’animal.

Éloquent.

Pour avoir une meilleure vue d’ensemble, je vous propose la dernière nouveauté de chez Bball Index, qui propose ainsi depuis cette saison un système de notation segmenté pour cibler les secteurs où les joueurs sont les plus (ou moins) performants. Précisons que lesdites notations sont pondérées en fonction de la position occupée sur le terrain. Le shoot sera ainsi forcément plus valorisé chez un arrière que chez un intérieur. L’intérêt principal que l’on peut trouver dans ce système est que si l’on retrouve les grands classiques (post-up, rebond, etc.), on a aussi à dispositions des notations qui concernent la défense et les principales caractéristiques des superstars, à savoir le 1 on 1 et le playmaking.

Si l’on retrouve des statistiques dans l’élite de l’élite au niveau de l’attaque, défensivement les notes correspondent assez bien à ce qu’on peut voir à l’oeil nu, à savoir un joueur dont la défense collective est tout à fait honorable, qui protège bien le cercle et est monstrueux au rebond défensif, mais qui se fait très facilement déborder sur du 1 contre 1.

Ma conviction est que non seulement cela ne sera pas un problème, mais en plus qu’il va énormément progresser dans ce domaine et ce pour une raison simple: jamais au grand jamais Tobias Harris n’a bénéficié d’un protecteur de cercle du calibre de Joel Embiid pour assurer ses arrières. Or quand on sait que derrière ça tient, on a nettement plus confiance pour être agressif et tenir son joueur devant. A souligner également qu’outre Embiid, il aura bénéficiera aussi de la présence de deux défenseurs d’élite en les personnes de Ben Simmons et Jimmy Butler.

La conclusion de tout cela, c’est qu’évidemment, remplacer un Chandler qui était un véritable poids mort des deux côtés du terrain par un tel monstre vient relever significativement le plafond de l’équipe.

Et dire qu’un tel joueur a jadis été échangé contre Ersan Ilyasova et un Brandon Jennings qui revenait d’une rupture du tendon d’Achille…

Toutefois, tout formidable ajout qu’il soit, l’ami Harris présente ce qui de prime abord semble être un inconvénient de taille: à l’instar d’un Jimmy Butler, il est en contract year.

Passons désormais à l’analyse du deal en termes de construction d’équipe.

La question mérite d’être posée: est-ce réellement au désavantage des 76ers ?

A court terme, la réponse est évidemment oui: Harris, s’il ne signe pas d’extension avant la date limite, pourra tout à fait partir contre rien dès l’été prochain. Néanmoins, il ne faut pas oublier que cette pièce a bel et bien deux faces en ce qu’on peut aussi y voir un énorme avantage.

En effet, avec Embiid à qui il reste 4 ans de contrat après cette année, Simmons bientôt sécurisé pour les 6 prochaines années et Butler éligible comme Harris lui-même à une prolongation sur 5 ans, l’intérêt est évident: si tout se passe bien, l’intégralité du noyau dur de l’équipe sera sous contrat sur le long terme, ce qui constitue une énorme sécurité pour le front office comme pour le futur de l’équipe.

Cerise sur le gâteau: là où Chandler est complètement cramé a atteint un âge avancé, Tobias Harris n’a lui que 26 ans, soit la même tranche d’âge que les autres membres du noyau dur de l’effectif.

De plus, pour terminer sur ce point, les 76ers ont trois atouts qui font que quoi qu’il arrive ils ne se retrouveront pas sur la paille l’été venu:

1er point: Un avantage concurrentiel conséquent avec les Bird rights, qui permettront de proposer 5 ans à 8% d’augmentation annuelle contre 4 ans à 5% pour les 29 autres équipes.

2e point: Comme le soulignait Zach Lowe, la présence d’Harris et Butler dans l’effectif, combinée à la base déjà existante (Embiid/Simmons), est un gros argument de vente dans l’optique d’une prolongation. En théorie, gros contrat + fenêtre de titre = resignature.

En théorie.

Pour autant, et c’est mon 3e point, la base Simmons-Embiid permet d’avoir l’assurance non seulement de faire les playoffs, mais aussi de garder un oeil sur la free agency.

Si un scénario catastrophe devait se produire, à savoir le départ de Butler et d’Harris, Elton Brand et son équipe auraient environ 40M pour recruter.. soit la possibilité de faire venir l’un des meilleurs agents libres de la classe 2019.

Quid si un seul des deux s’en va ?

Là encore, les 76ers sont «  »couverts » », puisqu’il suffirait d’échanger Markelle Fultz contre un tour de draft pour pouvoir proposer un contrat max à un Kawhi Leonard par exemple.

Si le nightmare scenario existe (départ de Butler et d’Harris, échec à attirer une 3e star), le risque reste très acceptable dans la mesure où le front office a tout fait pour le limiter et se garder des portes de sortie mais aussi dans le fait que si ça marche, les 76ers peuvent être un prétendant au titre pendant 5 ans. Soit une éternité à l’échelle NBA.

Cet échange comporte des risques, c’est vrai. La situation salariale est risquée. Si Harris et Butler restent, le manque de flexibilité créera aussi des risques si jamais le projet ne décolle pas. Le manque d’assets aussi. Mais aux dernières nouvelles aucun candidat au titre n’a jamais été créé sans prendre de gros risques.

Il ne reste plus qu’à espérer que ces risques là se révéleront payants à moyen terme.

Une question demeure: pourquoi conclure ce deal maintenant et à un prix aussi élevé ?

La réponse est évidente: éviter d’utiliser du cap space.

En l’état, il n’eût en aucun cas été possible d’ajouter une pièce du calibre d’Harris cet été, ne serait-ce qu’en resignant Butler. D’où l’intérêt d’agir maintenant.

Sur le prix, nombreux ont été ceux qui ont protesté en disant que les bird rights d’Harris et deux role players ne valaient pas une telle dépense, surtout avec dans la balance le si précieux choix de premier tour du Heat 2021. On peut le penser, effectivement, et personnellement si mon premier sentiment était le dégoût, c’était à cause de la perte de Landry Shamet, un joueur qui fait partie de mes chouchous et dont la présence assurait nos arrières en cas de départ de JJ Redick cet été.

Ce prix est élevé, il est vrai, mais comme exposé plus haut, c’était le seul moyen de rajouter une pièce de cette envergure, sauf à réaliser un steal monumental à la draft. Dans ces conditions, il faut passer à la caisse. Or nous étions sans doute très loin d’être les seuls à avoir cherché à nous attacher les services du grand ami de Boban Marjanovic. D’où il suit que si nous voulions vraiment faire ce move, il fallait payer le prix fort. Tout cela sans compter que plus la saison avançait, plus il devenait évident qu’un tel renfort était indispensable pour viser le titre NBA à moyen terme. Ce n’est pas pour rien que la question d’aller chercher un Bradley Beal s’est posée quasiment dès le début de la saison.

Reste à déterminer l’étendue de l’impact de cet échange non seulement au niveau de l’équipe mais aussi à l’échelle de la ligue.

Tout d’abord, les arrivées de Mike Scott et Boban Marjanovic règlent deux problèmes: la nullité absolue de Mike Muscala (que les fans de Philly sont aux anges de voir partir) et l’absence de pivot back-up. Deux choses extrêmement appréciables donc.

Si l’on met cela en perspective avec les retours attendus de Markelle Fultz et Zhaire Smith, cela donne un banc composé de Fultz, Smith, Korkmaz, Scott et Marjanovic. Si Elton Brand arrive à nous dénicher un ou deux ailiers sur le marché des buyouts (Wes Matthews, Trevor Ariza), on pourrait carrément parler d’un très bon banc. Chose que Philadelphie n’a pas connu depuis… très longtemps.

Par déduction, on peut penser que cela veut dire que le front office compte réellement sur Markelle Fultz: on aurait tout à fait pu imaginer que Patrick Beverley soit inclus dans l’échange. Personnellement j’estime que Jerry West et Lawrence Frank n’auraient même pas haussé un sourcil.

Néanmoins les décideurs pennsylvaniens n’en ont rien fait. Un signe de confiance envers leur pépite ? Il faut l’espérer.

Dernier aspect relatif au futur de l’équipe: on a maintenant la preuve que Josh Harris est prêt à passer à la caisse pour garder le noyau intact.. et cela va lui coûter cher.

Pour situer un peu l’affaire, on parle de 130M engagés sur la prochaine saison (en supposant que Redick prenne une full MLE), ce avec un cap à 109M. La saison d’après ? 129M rien que sur les 4 stars. Expensive.

Passons.

A l’échelle NBA, de par son placement et sa nature, cet échange a tout du premier domino.

Premier constat: vu que les Clippers abandonnent la saison, Boston perd un asset non-négligeable dans la course à Anthony Davis.. et en voit un autre perdre de la valeur vu que les Kings ont désormais une vraie chance de jouer les playoffs.

Deuxième constat: cette même course à l’Unibrow voit les Clippers revenir en force dans la course. Chers lecteurs, je vous invite à loucher du côté des assets accumulés par la direction des angelinos. Vous allez voir, c’est loin d’être moche.

De là à imaginer Jerry West chiper le monstre de New Orleans au nez et à la barbe des Celtics et des Lakers ?

Admettez que ce serait particulièrement savoureux…

Intéressons-nous y de plus près. Mettons que Jerry West offre ceci:

Shai Gilgeous-Alexander + Jerome Robinson + Shamet + Harrell + Gallinari + 1st round Clippers 2019 + 1st round Clippers 2021 + 1st round 76ers 2020 + 1st round Heat 2021 vs Davis + Hill

Est-ce que Dell Demps refuserait ? Pas dit. Surtout si les Clippers arrivent à récupérer d’autres premiers tours en vendant leurs vétérans à la deadline.

In fine, comme le soulignait l’excellent Cole Zwicker, tout dépend de comment les Pelicans voient Shai Gilgeous-Alexander en tant que prospect. Réponse potentiellement demain.

On termine avec l’aspect purement terrain.

Cet aspect se divise assez facilement en deux: l’harmonie entre les hommes et celle entre les joueurs.

Sur le plan humain, si évidemment on ne sait pas grand-chose des coulisses, il semble que le groupe s’entende plutôt bien, et l’arrivée de personnalités comme celles d’Harris et Marjanovic ne va faire qu’accentuer leur goût prononcé pour cet art qu’est le trolling. Blague à part, normalement, cela devrait coller sans aucun problème.

Sur le plan sportif, il faut bien comprendre que le 5 majeur de Philly était déjà le meilleur de la ligue avec un net rating de +14,2 selon cleaningtheglass.com. Ce avec donc un poids mort en la personne de Wilson Chandler.

De plus, quand le quatuor Embiid-Simmons-Butler-Redick est sur le terrain, l’équipe marque 116,2 pts sur 100 possessions (90e percentile). Défensivement c’est tout aussi létal, avec seulement 101,9 pts encaissés sur 100 possessions (97e percentile).

Pour vous resituer, chers lecteurs, sur les 15 derniers matchs, les Sixers ont la 5e meilleure attaque NBA. Avec l’ajout d’Harris, non seulement cela peut durer, mais en prime on pourrait même voir Philly s’inviter à la table des meilleures escouades d’incendiaires de toute la ligue.

En outre, Brett Brown, avec ces différents ajouts, aura la possibilité d’avoir toujours un duo de calibre All-Star sur le terrain. Pour peu qu’il fasse preuve de créativité (ce qui n’est pas son fort concernant les rotations), même avec un banc réduit, l’équipe devrait réussir à maintenir un niveau plancher élevé en toutes circonstances.

Sur le plan du jeu stricto sensu, on se cantonnera à dire que les possibilités sont très nombreuses, l’étude de ces dernières pouvant faire l’objet d’un article entier.

Cet échange va aussi permettre au coaching staff de faire en sorte que les stars dépensent beaucoup moins d’énergie et de procéder à un rééquilibrage global de l’équipe, d’autant qu’il n’est pas exclu de voir un vétéran supplémentaire débarquer. Soulignons également l’intérêt que présente l’arrivée d’un joueur comme Mike Scott (42% sur catch and shoot 3′).

Certains diront que tout ce qu’il manque à l’équipe aujourd’hui.. c’est Mikal Bridges. C’est vrai, reconnaissons-le. Toutefois, sans cet impopulaire deal avec les Suns, point d’Harris aujourd’hui, ne l’oublions pas.

Enfin, on notera que deux joueurs deviennent de facto des pièces extrêmement importantes, à savoir Zhaire Smith et Jonah Bolden. Si tous deux devraient finir l’année en G-League, les 76ers auront besoin à l’avenir de role players dans ce profil, qui en plus d’être précieux ne coûtent quasiment rien.

Pour conclure cet article, il me semble opportun de rappeler qu’en seulement 5 ans, en plus d’avoir drafté Joel Embiid, Ben Simmons et Markelle Fultz, Philadelphie a transformé Elfrid Payton et quelques dollars en Jimmy Butler. Michael Carter-Williams, deux premiers tours de bas de tableau et là encore quelques dollars ? Tobias Harris et Zhaire Smith. Tout cela malgré l’ingérence de la ligue en 2015.

Il me semble tout aussi important de souligner qu’à la fin de l’année, le noyau dur de l’effectif aura 21, 3, 25, 27 et 29 ans, ce avec une marge de progression non-négligeable, un coaching staff qui a fait ses preuves et un front office qui a su utiliser intelligemment les fruits du Process.

Enfin, ne l’oublions pas, nous ne sommes qu’en année 2. Nous sommes allés vite. Très très vite. A tort ou à raison, seul l’avenir le dira, mais aujourd’hui l’on se doit de mesurer tout le chemin parcouru depuis nos années à 10 victoires.

Globalement, je pense qu’on peut dire sans trop s’avancer que les 76ers sont entre de bonnes mains et (très) bien placés sur la route qui mène au Larry O’Brien Trophy.

Amis lecteurs, j’attends vos commentaires.

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